La pluriprofessionnalité : Analyse du mode d’exercice de demain
L’interprofessionnalité a de plus en plus la côte. Sont parues au Journal officiel durant les derniers mois plusieurs SPE (société pluriprofessionnelle d’exercice) concernant des officiers ministériels (Huissiers, notaires, commissaires-priseurs notamment). Quels sont les enjeux en cours ? les freins et moteurs de ce phénomène de plus en plus prisée ? Analyse.
Qui peut intégrer une SPE ?
Ces SPE sont ainsi parmi les premières à intégrer des officiers ministériels. Les nominations évoquées ici concernent ainsi des associations d’exercice entre Notaires et Avocats.
Professionnels du Droit…
Rappelons que neuf professions peuvent regrouper l’exercice de leurs activités professionnelles au sein d’une seule et même société (avocat, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle et expert-comptable).
… et du chiffre, plus encore
Il est ainsi possible d’envisager une création de société pluriprofessionnelle d’exercice, non seulement entre deux ou plusieurs de ces professionnels du Droit mais également entre Experts comptables et professionnels du Droit (qui sont d’ailleurs à ce jour les plus nombreuses, entre avocats et experts comptables).
Possibilités d’association démultipliées
Le déverrouillage des textes provoqué par la Loi Macron de 2015 a permis d’une part de lever un certain nombre de contraintes existantes et d’autre part d’ouvrir de nouvelles possibilités, avec notamment de nouvelles formes juridiques et de nouveaux schémas de regroupement. Aujourd’hui, les possibilités d’association semblent quasi-infinies.
Plusieurs possibilités de SPE
Au delà des rapprochements multiples entre deux ou plusieurs professions du droit et du chiffre, il existe parmi ces configurations plusieurs types de SPE qui peuvent ensuite être envisagés par ces professionnels :
- la SPE très spécialisée dans un domaine (stratégie de niche)
- ou la SPE généraliste qui servira de guichet unique pluridisciplinaire pour accueillir les dossiers nécessitant plusieurs professions.
Déontologies communes à accorder
La législation ayant fixé des règles communes à minima, il revient aux professions de s’organiser en fixant les principes, notamment via leurs déontologies respectives.
Sur bien des sujets, il existe des visions différentes (par exemple sur le secret professionnel ou encore sur les assurances). Cet état de fait ne doit pas empêcher ces rapprochements « d’Hommes » et de compétences pour mieux accompagner les clients.
Mais avant les Hommes, avant la stratégie, il s’agit évidemment de définir le projet en mettant au centre le client cible et pas les intérêts corporatistes.
Avant les Hommes, le Projet
Ce mode d’exercice suppose naturellement d’avoir un projet bâti sur une offre cadrée par rapport à sa clientèle cible.
Le projet doit être au cœur de cette volonté de rassembler ses forces avec une stratégie cohérente destinée à attirer le client type, le faisant passer au dessus des intérêts de chacun.
Ainsi, l’affectio societatis des associés doit permettre d’aller au-delà des intérêts corporatistes et permettre de s’entendre sur l’essentiel (sans s’écharper sur les détails sur lesquels surviennent souvent les principaux blocages) en œuvrant tous dans la même direction pour répondre à une demande de plus en plus forte réclamant de la pluridisciplinarité. Cette offre complète, proposée par le seul interlocuteur qu’est la SPE permettra des gains considérable (de temps, de cohérence et d’argent) à la typologie de clientèle visée.
Mode de pensée parfois antagoniste à harmoniser
Ces points d’évidence sont les plus compliqués à mettre en place du fait notamment de modes de pensée parfois très différents (voire divergents) selon les professions. En voici quelques-uns :
1- Certains sujets, issus des pratiques de chacune des professions, ne sont pas traités de manière similaire. L’attachement fort qui existe aussi à sa profession et la volonté d’indépendance devront être dépassés pour mieux faire œuvre commune.
Les huissiers, notaires ou experts comptables vendent leurs études ou cabinets en valorisant autour d’une année de chiffres d’affaires. Cette pratique courante chez ces professions n’a pas cours chez les avocats.
2- Certes, répondra l’avocat mais la marge dégagée dans ma profession est en moyenne supérieure à celle des experts comptables, qui vend donc « moins bien » ses missions.
3- L’expert-comptable ou l’avocat, exerçant déjà dans leurs cabinets respectifs, auront le choix, s’ils ont identifié un marché potentiel pour une SPE :
- soit de créer une société pluriprofessionnelle d’exercice (en sus de leur cabinet) pour y traiter les dossiers nécessitant plusieurs branches d’activités.
- soit d’apporter toute leurs activités dans une SPE (et de fermer leur cabinet) qui deviendra leur seul lieu d’exercice
Le notaire ou l’huissier de justice, eux, n’auront pas le choix et devront nécessairement opter pour la 2ème option, unicité d’exercice oblige.
4- Dernier exemple : TRACFIN. Les obligations ne sont pas les mêmes et pourraient amener une profession (un avocat par exemple) ayant à connaitre l’éventualité d’un délit commis par l’un de ses clients pour le défendre, à faire savoir par capillarité ce soupçon de délit à son associé, professionnel d’un ordre qui l’oblige à un signalement à Tracfin.
Uniformisation des méthodes de travail
Au-delà de ces ajustements de départ, au moment du lancement de la SPE, il conviendra ensuite de travailler ensemble avec un partage des tâches en cohérence avec les spécialités de chacun tout en préservant un équilibre et une équité entre des associés qui s’investiront nécessairement plus que d’autres selon les dossiers.
Cette vision globale devra être la règle quelle que soit la provenance du client sous peine d’échec du projet.
Le client, pour son plus grand intérêt, devra être celui de la SPE et non pas du notaire ou de l’expert-comptable qui l’aura ramené.
Si la satisfaction du client est mise au cœur des priorités de la SPE, le projet d’entreprise n’aura que plus de chances de réussir. Quitte ensuite à définir des règles de rémunérations spécifiques selon les apports des uns et des autres d’une part et leurs diligences effectives d’autre part.
L’uniformisation des méthodes de travail, par définition très différentes selon la profession, devra se faire autant que faire se peut, notamment pour faciliter la communication transversale entre les professionnels sur un même dossier.
Client gagnant = projet SPE concluant !
Une fois tout cela réussi, et ce n’est pas une mince affaire, c’est un changement de mentalité : nous avons une société d’experts dédiés au projet d’entreprise, et c’est le client qui gagne, et donc le projet SPE avec.
Gains considérables
Le conseil délivré est véritablement augmenté pour le client, lui permettant une vision panoramique multidisciplinaire sans que certains points se contredisent.
La clarté du propos s’en trouvera renforcée, le traitement du dossier optimisé et surtout le temps raccourci. Gain de temps, gain d’argent avec un client satisfait.
La SPFPL, alternative à la SPE
L’alternative à la SPE, évitant une partie des difficultés évoquées (mais se privant aussi d’une souplesse d’organisation) est l’interprofessionnalité capitalistique, via une SPFPL. A défaut d’exercice en commun, le destin commun se fera à travers des liens en capital (article et vidéo à venir sur le sujet).
Laïaché LAMRANI
Expert-comptable, spécialisé professions réglementées du Droit
Expert-conseil, Master de Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE
Chargé d’enseignement Panthéon Assas II
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