Lancement de la 3ème vague de créations d’offices de commissaire de justice : Synthèse en 8 points
La 3ème vague de créations d’offices de commissaire de justice est confirmé ce jour par la publication au journal officiel de l’ arrêté du 26 décembre 2023, validant ainsi la proposition qui a été faite le 7 juillet 2023 par l’Autorité de la Concurrence (ADLC). La campagne sera lancée début février 2024, au sein de treize zones du territoire dites « zones d’installation libre » avec l’objectif d’installer 32 nouveaux commissaires de justice titulaires, au sein de 20 créations d’offices (attention au trompe-l’œil, expliqué ci-après).
Analyse des points importants à retenir pour comprendre les conséquences immédiates et à venir pour lesdits territoires, ainsi que les modalités à suivre pour pouvoir postuler à la création d’un office. Le début des candidatures devrait être dans moins de deux mois, jeudi 1er février 2024, pour une durée de 18 mois.
1- Objectifs initiaux toujours pas satisfaits dans 13 zones qui demeurent « en installation libre »
Ces zones (départements) ont été sélectionnées pour améliorer l’offre de service et la proximité, jugées insatisfaisantes, malgré les deux vagues de créations précédentes. En effet, si 13 départements sont maintenus en zone verte, c’est que lesdits objectifs fixés par la loi « Macron » ne sont pas encore atteints. C’est ainsi que l’implantation d’offices de commissaire de justice est jugée nécessaire dans ces 13 départements, pour permettre de renforcer la proximité ou l’offre de services. Curieux paradoxe, c’est dans les grandes agglomérations que la concurrence ne serait donc pas assez forte.
Lorsqu’on consulte certaines desdites zones et que l’on analyse la situation économique des offices qui y ont été créés lors des précédentes vagues, l’on peut sérieusement s’interroger sur le fondement de cette position. Un nombre significatif d’offices créés de la seconde vague n’ont pas encore atteint la barre plancher des 100 k€ de CA annuel.
Voici la carte des zones vertes et des zones rouges :
L’ADLC avait estimé qu’au delà d’un CA annuel moyen de 300 k€ effectué par commissaire de justice titulaire, il y avait nécessité de créer des offices (parmi d’autres critères). Nous sommes encore très loin du compte pour les offices déjà créés. Bon nombre de créations datant de la 1ère vague (il y a maintenant plus de 5 ans) n’y sont pas encore, et ceux de la 2ème vague en sont encore très très loin.
C’est dans ces conditions qu’arrive donc la 3ème vague, pour renforcer la proximité et l’offre de service, et … fragiliser les professionnels déjà en exercice, et notamment les offices déjà créés lors des deux vagues précédentes, en premier lieu ceux qui peinent à faire un CA leur permettant de payer leurs charges fixes, rembourser leurs mensualités d’emprunt et se payer dignement pour le travail effectué. Au demeurant et au delà de ces difficultés économiques certaines, il faut également faire face à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, nombre d’études recherchant en vain un commissaire de justice (salarié ou associé).
2- Création de 20 offices devant permettre l’installation de 32 titulaires dans 13 départements
L’arrêté du 26 décembre 2023 permet donc la création de 20 offices avec un objectif de nomination de 32 commissaires de justice sur les 13 départements restant des zones vertes.
Sachant que l’ADLC avait proposé la création de 33 offices, nous pourrions être satisfaits de cette réduction qui semble importante. Ce n’est qu’une satisfaction en trompe-l’œil puisque les textes sont clairs en la matière, si les vingts créations offices prévues ne permettent pas de remplir l’objectif de nomination de 32 commissaires de justice titulaire, il sera procédé à la création d’autant d’offices supplémentaires que nécessaire pour atteindre l’objectif fixé par l’arrêté.
Ainsi, fixer un objectif de nomination de 32 commissaires de justice titulaires revient à la création d’au minimum d’une trentaine d’offices, les créations avec plus d’un titulaire par office étant l’exception.
Pour chacune de ces zones, l’arrêté fixe les recommandations suivantes sur le nombre de créations d’offices pour deux années à compter de sa publication au Journal officiel, soit pour la période 2024-2025 :
32 nominations prévues par l’arrêté, l’ADLC en avait préconisé 33, l’heureux département étant la Gironde qui s’en tirera avec une création en moins (5 au lieu des 6 préconisés).
3- 86 zones « d’installation contrôlée »
L’arrêté du 26 décembre 2023 détermine également 86 autres zones du territoire, dites « d’installation contrôlée », dans lesquelles les demandes de créations d’offices de commissaire de justice feront l’objet d’un contrôle a priori du garde des sceaux, ministre de la justice, et d’un avis de l’Autorité de la concurrence dans l’hypothèse où la création d’office serait envisagée.
Ainsi, le principe de création demeure sur l’ensemble du territoire, avec un pouvoir souverain de la Chancellerie pour créer ou pas, après étude du dossier à présenter. Autant dire tout de suite que ce principe demeure théorique, les créations en zone rouge demeurant exceptionnelles.
Lors de la 2ème vague de créations, avait été défini 22 zones vertes. 9 zones sont donc devenus rouges, avec les conséquences que cela entraîne sur les suppressions de possibilité de déplacer son office au sein d’un même département qui redevient donc quasi-impossible pour ces 9 départements (comme pour l’ensemble des 86 zones d’installation contrôlée).
4- Prochaine étape : Candidatures ouvertes à compter du 1er février 2024
Les demandes de nomination dans un office à créer peuvent être déposées à compter de la date et durant le délai prévu à l’article 6 du décret n°2022-949 du 29 juin 2022 qui stipule :
Les demandes portant sur des zones mentionnées au I de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 susvisée peuvent être déposées à compter du premier jour ouvré du deuxième mois suivant la publication de la carte prévue à cet article, à 14 heures (heure de Paris), et durant un délai de dix-huit mois à compter de cette date.
Les demandes portant sur des zones mentionnées au III de l’article 52 de la loi du 6 août 2015 susvisée peuvent être déposées à compter du premier jour ouvré du huitième mois suivant la publication de la carte prévue à cet article, à 14 heures (heure de Paris), et durant un délai de douze mois à compter de cette date.
Le 1er jour du 2ème mois suivant le mois de décembre sera donc le jeudi 1er février 2024, à 14h.
Ce délai est court et il convient donc de se préparer en amont. Vous trouverez ci-après quelques-unes de nos préconisations, basées sur notre expérience d’accompagnement de créations d’offices lors des précédentes vagues, pour finaliser au mieux votre dossier de candidature.
5- Procédure
Les demandes sont à enregistrer uniquement par téléprocédure sur le site internet du ministère de la justice (https://opm.justice.gouv.fr/) Elles seront horodatées.
La demande doit mentionner la zone choisie parmi celles figurant sur la carte susmentionnée et, au sein cette zone, la commune dans laquelle le demandeur souhaite être nommé. Chaque demandeur ne peut déposer qu’une seule demande par zone.
Les pièces nécessaires à l’instruction de votre demande doivent être déposées au moment de la candidature, donc dès le 1er février 2024. Ces pièces doivent être produites dans le délai de dix jours à compter de l’enregistrement de la demande, sous peine d’irrecevabilité.
Dans les zones vertes, le garde des sceaux, ministre de la Justice, nomme les demandeurs au regard des recommandations dont est assortie la carte et suivant l’ordre d’enregistrement de leur demande.
Toutefois, lorsque le nombre des demandes de création d’office enregistrées dans les vingt-quatre heures suivant la date d’ouverture du dépôt des demandes est supérieur, pour une même zone, aux recommandations, l’ordre de ces demandes est déterminé par un tirage au sort.
6- Liste des pièces à produire pour une demande de nomination en qualité de commissaire de justice dans un office à créer
A- Dispositions relatives aux demandes de création d’office de commissaire de justice formées par des personnes physiques :
La demande de nomination d’une personne physique en qualité de titulaire d’un office à créer, est complétée notamment par les pièces suivantes :
1° Une requête datée et signée sollicitant sa nomination par le garde des sceaux, ministre de la Justice, en qualité de commissaire de justice dans un office à créer. La requête mentionne la zone choisie et au sein de celle-ci, la commune dans laquelle il souhaite être nommé ;
2° Les documents officiels en cours de validité justifiant de son état civil et de sa nationalité française ;
3° Le cas échéant, pour les personnes titulaires d’un office ou les associés exerçant d’une société titulaire d’un office, la demande de démission ou de retrait de la société dans les conditions applicables à cette forme de société sous la condition suspensive de leur nomination en qualité de titulaire d’un office créé ;
4° Le cas échéant, pour les personnes ayant fait l’objet d’une nomination par le garde des sceaux, ministre de la Justice, en qualité de commissaire de justice salarié et exerçant en cette qualité, la demande de démission de leurs fonctions sous la condition suspensive de leur nomination en qualité de titulaire d’un office créé.
Le demandeur peut également avoir à produire des documents complémentaires lors de situations particulières (primo-accédants, cas de dispense).
B- Dispositions relatives aux demandes de création d’office de commissaire de justice formées par des personnes morales :
La demande de nomination d’une société en qualité de titulaire d’un office créé est complétée, dans le délai mentionné au troisième alinéa de l’article 29 du décret du 14 août 1975, des pièces suivantes :
1° Une requête datée et signée du mandataire de la société ou de celui des associés lorsque la société n’est pas encore constituée, sollicitant sa nomination par le garde des sceaux, ministre de la Justice, en qualité de titulaire d’un office de commissaire de justice à créer. La requête mentionne la zone choisie et, au sein de celle-ci, la commune dans laquelle la société souhaite être nommée ;
2° Le cas échéant :
- Une demande émanant de chaque personne sollicitant sa nomination en qualité d’associé de ladite société pour exercer dans l’office à créer ou dans l’un des offices dont est déjà titulaire la société. La demande doit en outre être accompagnée des pièces prévues au chapitre Ier correspondant à la situation du demandeur.
- Une demande émanant de chaque associé déjà nommé dans la société sollicitant sa nomination pour exercer dans l’office à créer ou dans un autre office de la société que celui dans lequel il exerce ;
3° Les statuts de la société et la preuve de leur dépôt au greffe du tribunal de commerce, accompagnés, le cas échéant, pour les sociétés existantes, d’un projet de statuts modifiés intégrant la situation nouvelle qui résulterait de la nomination de la société dans l’office à créer ;
4° Lorsque le mandataire n’est pas le représentant légal de la société, la copie du mandat qui lui a été conféré ;
5° Pour les sociétés en cours de constitution, la preuve du dépôt des sommes constituant le capital social ;
6° La liste des associés, telle qu’elle résulterait de la nomination de la société dans l’office à créer, précisant pour chacun d’entre eux leur profession, leur qualité d’associé exerçant ou non-exerçant, leur lieu d’exercice, ainsi que les documents justifiant du respect des conditions de détention du capital social et des droits de vote de la société ;
7° L’identité et la profession des représentants légaux et des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de la société ;
8° Un document émanant d’un professionnel de l’assurance garantissant la couverture de la responsabilité civile professionnelle de la société demanderesse à compter de sa nomination ;
9° Le cas échéant et selon la forme de la société, les pièces justificatives listées par décret.
7- Rappel du régime juridique applicable
L’ADLC rappelle les dernières évolutions du cadre réglementaire s’agissant des modalités de demande de nomination :
En vertu de ce même décret, un candidat à la procédure de nomination (pour postuler à une création d’office) doit désormais, lorsqu’il est tiré au sort, indiquer qu’il maintient sa demande dans un délai de dix jours francs suivant la publication du procès-verbal du tirage au sort. Passé ce délai, il est réputé y avoir renoncé, entraînant la caducité de l’ensemble de ses demandes de création d’office.
Dans la mesure où l’ordre d’examen des candidatures conduit la Chancellerie à examiner prioritairement les zones les moins demandées, ces nouvelles modalités de candidature pourraient conduire à la caducité de demandes de professionnels qui n’auraient pas été informés en amont de la modification des modalités de candidature.
8- Nos recommandations
Notre expérience, après avoir accompagné plusieurs dizaines de projets de création, nous amène à formuler les préconisations suivantes :
1- Attention au moment du dépôt de votre candidature : même si la procédure de dépôt dure 18 mois, la plupart des offices seront attribués aux candidatures déposées dans les 24 premières heures. Le 2 février 2024 à 13h59, il sera probablement trop tard pour la plupart des offices.
2- Réflexion à mener sur la mode d’exercice (individuel ou société unipersonnelle) : bien que postuler en tant que personne physique peut sembler plus simple au moment de candidater, l’exercice en société est souvent le plus opportun. Une fois la candidature déposée, toute modification est impossible de telle sorte que postuler en tant que personne physique oblige à débuter son exercice en personne physique et à déposer par la suite un nouveau dossier sur le portail OPM (avec plusieurs mois de traitement) pour modifier son mode d’exercice pour les candidats qui souhaiteraient finalement évoluer en société.
3- Réflexion sur le modèle économique devant permettre de fixer son besoin de financement et d’établir les comptes prévisionnels des trois premiers exercices. Selon le mode d’exercice, les territoires et la stratégie, les chiffres seront très différents.
4- Réflexion sur la situation du candidat, au moment où il souhaite candidater. Tout associé déjà exerçant devra démissionner de son office actuel, et, s’il est associé d’une SCP devra vendre ses parts de SCP avant d’être tiré au sort. Sinon, la chancellerie lui laisserait 10 jours pour organiser cette cession !
5- Réflexion pour tout candidat sur les projets alternatifs s’il devait ne pas être tiré au sort en position éligible. Lors des précédentes vagues, il est arrivé, à de très nombreuses reprises et à la suite des nombreux désistements que des candidats, étant arrivés très loin des places éligibles au moment du tirage au sort (parfois au-delà de la 100ème place), aient été informés de leur nomination à un office créé (parfois plus d’un an après le tirage au sort) alors qu’ils étaient passé à un autre projet. Voir notre article sur le sujet : https://lamraniexpert.com/2019/10/26/office-cree-attention-aux-mauvaises-surprises/
Notre dernier conseil : vous rapprocher de votre conseil habituel ou d’un expert spécialisé dans votre secteur d’activité et dans l’accompagnement de créateurs.
Laïaché LAMRANI
Expert-comptable, spécialisé professions réglementées du Droit
Expert-conseil, Master de Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE
Chargé d’enseignement Panthéon Assas II
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Benoist
Par le passé le commissaire de justice appelé Huissier de justice était réellement un juriste de proximité qui vivait de de son activité.
Ce n’est plus le cas par ce que l’on a cassé il y a quelques années des règles de compétence qui avaient fait leurs preuves.