Comment déjouer les pièges de certaines sociétés de recouvrement
Savoir déjouer les pièges de certaines sociétés de recouvrement
Il convient d’emblée de noter que les sociétés de recouvrement agissent essentiellement dans le cadre de procédures amiables, sans possibilité d’exécution forcée, contrairement notamment aux huissiers de justice.
Dans ce cadre, les frais de recouvrement, engagés sans titre exécutoire (décision de justice, titre délivré par un huissier dans certains cas) sont en principe à la seule charge du créancier. Une société de recouvrement qui en demanderait le paiement au débiteur s’exposerait (sauf rares exceptions) à une pratique illégale sanctionnable de 2 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amendes.
Face aux moyens limités, tentation du hors cadre
Les moyens de recouvrer étant donc très limités pour les sociétés de recouvrement, la tentation est grande d’élargir la gamme des possibilités et de profiter, par divers moyens d’autorité, de l’ignorance des débiteurs quant à leurs droits en usant parfois de pratiques commerciales trompeuses.
Ce cas d’espèce, issue d’un arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2019 en est l’illustration (lien ci-après).
La société de recouvrement en question avait usé et abusé auprès de multiples débiteurs de manœuvres pour le moins discutables demandant, dans le cadre de son activité de recouvrement de créances auprès des débiteurs, en plus de la créance elle-même, le paiement de frais supplémentaires ne devant en aucun cas être à la charge du débiteur au titre de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
La méthode déployée est allée jusqu’à notamment des mises en demeure écrites sur un ton comminatoire et faisant référence à des citations d’articles de textes législatifs ou réglementaires pour signifier une prétendue légitimité.
L’arrêt reprochait donc des pratiques commerciales trompeuses, accusations contre laquelle s’était défendue la société de recouvrement en déniant toute activité commerciale entre elle et le débiteur.
Une pratique commerciale est reconnue comme trompeuse notamment si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix et les conditions de paiement du bien ou du service, et si elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Au-delà de la manœuvre dénoncée, l’arrêt précise que la relation commerciale existante entre la société de recouvrement et le créancier « s’applique à toute mesure prise en relation non seulement avec la conclusion d’un contrat, mais aussi avec l’exécution de celui-ci, notamment aux mesures prises en vue d’obtenir le paiement du produit ».
La position de la Cour d’appel qui considérait que la société de recouvrement « ne peut être regardée comme ayant une activité commerciale à l’égard des débiteurs puisqu’elle ne leur fournit aucun bien ni prestation de service » , contrairement à ce qu’elle fait avec les créanciers a ainsi été déjugée par la Cour de Cassation.
Quelques précautions d’usage face aux sociétés de recouvrement
A toutes fins utiles, voici quelques informations et précautions d’usage qu’il convient d’avoir en tête :
- Date de prescription de la dette : si la dette est prescrite, elle n’existe plus, aucune poursuite ni mesure coercitive ne peuvent être exercées. Le délai de prescription d’une créance est de deux ans à partir du premier impayé. Si aucune procédure judiciaire n’a été engagée pendant ce temps, la créance est éteinte. Si une procédure judiciaire a été engagée et que les tribunaux ont rendu une ordonnance d’injonction de payer, le délai de prescription passe à 10 ans (30 ans pour les dettes antérieures à 2008).
- Une dette non prescrite ne permet pas aux sociétés de recouvrement d’effectuer une saisie d’elles-mêmes. Un titre exécutoire est indispensable, délivré par un huissier de justice mandaté par le créancier ou la société de recouvrement.
- Attention au paiement fractionné : dès l’instant ou le débiteur paye une somme même très faible pour payer une dette prescrite, il fait repartir un nouveau délai de prescription de 2 ans.
- Astuce : si la dette est rachetée, les textes précisent bien que le débiteur ne doit s’acquitter que du prix de rachat (forcément inférieur au montant initial).
- Ne soyez pas impressionné par les formules péremptoires de certaines sociétés de recouvrement comme : « Mise en demeure », « Sommation de payer », « Dernier avis avant poursuites », etc. » . Ces formules n’ont de valeur que si elles émanent d’un huissier de justice qui est muni d’un titre exécutoire.
Laïaché LAMRANI
Expert-comptable, spécialisé professions réglementées du Droit
Expert-conseil, Master de Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE
Chargé d’enseignement Panthéon Assas II
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