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Avis de l’ADLC sur la 2ème vague d’installation des huissiers de justice : 9 points à retenir

Conformément à la demande du gouvernement et du fait de la crise sanitaire, l’Autorité de la concurrence (ADLC) a rendu le 28 avril 2021 son nouvel avis sur la liberté d’installation des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires. L’objectif est de proposer le nombre de création d’office devant permettre la 2ème vague de création d’offices d’huissiers de justice et de commissaires priseurs sur la période 2021-2023. Voici notre analyse des 9 points à retenir du rapport de 34 pages de l’ADLC.

1- Nombre de créations revu à la baisse

La loi Macron du 6 août 2015 a instauré un mécanisme imposant la création de nouveaux offices d’huissiers de justice (idem pour les notaires) chaque deux ans afin d’insuffler davantage de concurrence afin de renforcer la proximité et/ou l’offre de service. L’ADLC est chargée de faire des préconisations après une étude approfondie du secteur d’activité via son rapport, qui fournit au gouvernement un éclairage très orienté, impulsant ainsi un rythme soutenu d’installation de nouveaux professionnels.

Après plus de 200 créations lors de la 1ère vague, et malgré les désistements par centaines, après avoir proposé 100 nouvelles créations dans un premier avis sur la 2ème vague de création il y a un peu plus d’un an, l’ADLC qui a dû revoir sa copie suite à la crise sanitaire, propose donc 50 nouvelles créations, essentiellement dans les grandes agglomérations.

Certes, l’ADLC a réduit la voilure de moitié, mais le nombre relativement important en ces temps de crise interroge, suite notamment à la 1ère vague où 59 offices n’avaient pu trouver preneurs durant une période bien plus propice d’un point de vue économique.

2- Conséquences incertaines sur la viabilité des premiers créateurs

Comme le montre le tableau précédent, grâce (ou à cause) au retard pris pour l’installation des créateurs amenés par la 1ère vague ajouté au retard provoqué par la crise sanitaire actuelle, les premiers créateurs ayant bénéficié d’un office lors de la 1ère vague ont eu bien plus de temps que prévu pour installer leur office sans tout de suite voir arriver les créateurs de la 2ème vague.

Pour autant, la crise sanitaire actuelle et surtout la crise économique qui suit et qui ne fait que produire ses premiers effets risquent de faire très mal à un grand nombre d’office (historiques ou créateurs). Les chiffres des bilans 2020 sont en grande majorité dans le rouge, avec des baisses de CA généralisées allant de 10 à 50 % par rapport à l’exercice 2019.

Si ce surplus de temps « exceptionnel » a permis aux créateurs de débuter leur activité, la crise du Covid a sapé en grande partie ses efforts, empêchant de récolter tous les bénéfices qui auraient permis de mieux pérenniser l’activité qui reste encore balbutiante pour un nombre important de créateurs.

3– Maillage territorial à revoir

La zone d’installation libre est à l’échelle d’un département.

Qu’avons-nous observé sur les choix opérés par les presque 200 premiers professionnels qui se sont installés lors de la 1ère vague ?

La plupart d’entre eux ont choisi les mêmes lieux, très proches des centres villes, proches des agglomérations. Nous avons assisté à des situations ubuesques où, le même jour, paraissaient au journal officiel la nomination de quatre offices créés dans la même ville de moins de 80.000 habitants ! Malgré ce constat, en contradiction avec l’objectif d’un maillage territorial, les 50 nouvelles créations ont de fortes chances de s’établir une nouvelle fois dans les grandes villes, comme le montre la situation des zones d’installation libre (zone verte) sur la nouvelle carte pour la période 2021-23 ci-dessous.

Comment une telle situation permet-elle d’améliorer le maillage territorial ? En quoi cette situation de concentration dans les grandes agglomérations sert l’objectif « d’implantation d’office devant renforcer la proximité et/ou l’offre de service » ?

Les 99 zones seront par conséquent, d’installation libre pour 22 d’entre elles (au lieu de 35 lors de la 1ère vague), et d’installation contrôlée pour 77 d’entre elles. Attention, les zones contrôlées redeviennent rouges (et non orange) comme le prévoyait le texte d’origine : « désormais, il ne peut plus, en principe, être créé d’office d’huissier de justice dans ces zones rouges.

Le détail du nombre de créations proposées, département par département est à retrouver en fin d’article.

4- Trois nouvelles vagues à venir tous les deux ans, horizon allongée de trois ans et 100 offices de plus !

Suite à cette 2ème vague prévue pour la période 2021-2023, l’ADLC annonce dans ce même avis les épisodes à venir en précisant qu’elle « sera à même de réévaluer encore à trois reprises (en 2023, 2025 et 2027) l’objectif de créations d’offices, et de prendre en compte le contexte économique et sanitaire à l’occasion de chacune de ces révisions biennales ».

Il y aura donc bien 5 vagues de création au total, en dépit de la crise intervenue et la durée entre chacune est maintenue à deux ans.

Le potentiel d’installation de nouveaux professionnels à l’horizon 2026 était compris entre 450 et 500 installations de nouveaux huissiers de justice libéraux. Il est réévalué entre 550 et 600 nouveaux huissiers de justice libéraux. Il faut le relire pour le croire, grâce à la crise, il est préconisé, sur les 5 vagues, 100 créations de plus !

Comment, d’un point de vue économique et financier, les 200 premiers professionnels installés et à peine opérationnels pourraient-ils résister économiquement à cette nouvelle vague, et aux trois suivantes, alors qu’ils sont encore très loin d’avoir stabilisé leur activité et atteint le seuil de rentabilité, le tout en pleine crise économique ? La même question vaut également pour l’ensemble des offices qui ont été fortement fragilisé par cette crise.

notre précédente analyse est à retrouver ici : 11 enseignements sur l’avis de l’ADLC sur la liberté d’installation des commissaires de justice

5- Impact massif de la crise sanitaire sur le secteur d’activité

La crise sanitaire impacte encore aujourd’hui fortement l’activité des huissiers de justice. Les huissiers de justice souffrent d’une baisse de la demande émanant de leurs donneurs d’ordres alors que les clients institutionnels publics maintiennent toujours la suspension de leurs activités de recouvrement forcé pour atténuer les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire.

Autre indicateur de l’impact massif subi par le secteur d’activité, le taux de recours au chômage partiel par les études d’huissiers de justice sur l’année 2020, qui a dépassé les 70 % lors du 1er confinement et demeure encore considérable à fin 2020, avec plus de 18 % des effectifs mis en chômage partiel.

Même si l’ADLC reconnait que « l’évolution de la situation sanitaire est, pour l’heure, incertaine », ce manque de vision ne l’empêche pas d’y voir clair sur le nombre de création à opérer pour les huissiers et pour les notaires. Seuls les commissaires priseurs échappent à de nouvelles créations.

Un retour à ‘idée de départ ou la Loi Macron prévoyait 5 ans entre chaque vague d’installation aurait été opportun en ces temps de crise. 5 années durant lesquelles les nouveaux installés auraient le temps de poser leurs fondations en bâtissant un modèle économique viable, dans le respect des tarifs et de la déontologie avant de voir arriver les suivants. De 5 ans, nous sommes passés à une installation quasi-permanente, entre les dernières d’une vague et les premiers de la vague suivante.

L’ADLC, qui veut préserver l’indépendance et l’exercice sans entrave pour ces huissiers nouvellement installés, n’est-elle pas, d’une certaine manière, en train de mettre en péril la continuité de leur activité en proposant 50 nouvelles installations en pleine crise économique ? Pourtant, l’article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoyait notamment que les préconisations devaient tenir compte des « évolutions significatives de la situation économique ayant une incidence directe sur l’activité des professionnels ».

6- Un point positif, un autre inquiétant

Un point positif à retenir malgré tout, permis grâce à cet article 52 : « le reliquat des nominations non pourvues lors de la précédente carte a été abandonné. Selon la Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS), il s’élève au moins à 59 professionnels.

Ainsi, nous avons 50 créations préconisées au lieu de 159. C’est un moindre mal, qui est repoussé à plus tard.

Plus inquiétant, l’ADLC rappelle une fois encore la baisse de CA qu’elle estime admissible pour les offices d’huissiers de justice, du fait de ses préconisations. Malgré la crise, elle n’a pas changé de position : « En effet, l’Autorité évalue déjà le seuil qui plafonne la perte de chiffre d’affaires admissible à 35 % à l’aune de la future profession unifiée, dans laquelle se fondront les effectifs d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires ».

Quel secteur d’activité s’est retrouvé renforcé, après une baisse du chiffre d’affaires moyen de 35 % ?

7- Les commissaires priseurs vont pouvoir candidater pour ces 50 places

L’Autorité recommande ainsi que les professionnels, notamment les commissaires-priseurs judiciaires, qui disposent déjà d’une qualification comme commissaires de justice, puissent se porter candidats aux offices créés en application de la présente délibération, dès le lancement de la prochaine télé-procédure sur OPM en 2021 et, à défaut, à compter du 1er juillet 2022.

Ainsi, le « stock » de candidats pouvant se porter volontaire augmente de manière significative par rapport à la 1ère vague puisque tous les commissaires priseurs disposant de la qualification de commissaire de justice pourront se porter candidat pour bénéficier de la création d’un office.

Selon les dernières projections, au 1er juillet 2021, plus de 80 % des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires libéraux devraient ainsi être « qualifiés commissaires de justice ».

8- Rappel des modifications récentes du régime juridique applicable : Important

L’ADLC rappelle les dernières évolutions du cadre réglementaire s’agissant :

a- des obligations déclaratives des professionnels : le décret 2020-931 du 29 juillet 2020 a assoupli certaines procédures qui nécessitaient auparavant un arrêté du garde des Sceaux. Ainsi, il a mis fin aux arrêtés : 

* constatant les reprises de fonctions pour les huissiers de justice salariés reprenant leurs fonctions moins d’un an après avoir quitté un précédent office ; 

* autorisant les transformations en SCP ou en SEL de sociétés constituées sous une autre forme sociale et titulaires d’un office ; 

* constatant les transferts d’office en zone d’installation libre ;

* constatant le retrait d’un associé avec cession de la totalité de ses parts sociales à la société, aux autres associés ou à l’un ou plusieurs d’entre eux.

Parallèlement, le décret a introduit de nouvelles obligations pour les professionnels. Ainsi, ces procédures sont désormais soumises à une obligation de déclaration préalable, assortie d’un pouvoir d’opposition du garde des Sceaux, dans un délai de deux mois suivant le dépôt d’un dossier complet, à l’exception de la déclaration de reprise des fonctions d’huissier de justice salarié, pour laquelle le délai d’opposition du garde des Sceaux est d’un mois.

De telles obligations déclaratives ont également été introduites pour la cession par un associé de la totalité de ses parts à la SCP titulaire de l’office, à la SCP d’huissiers de justice ou à la SEL, aux autres associés ou à l’un ou plusieurs d’entre eux.

b- des modalités de demande de nomination : en vertu de ce même décret, un candidat à la procédure de nomination (pour postuler à une création d’office) doit désormais, lorsqu’il est tiré au sort, indiquer qu’il maintient sa demande dans un délai de dix jours francs suivant la publication du procès-verbal du tirage au sort. Passé ce délai, il est réputé y avoir renoncé, entraînant la caducité de l’ensemble de ses demandes de création d’office.

Dans la mesure où l’ordre d’examen des candidatures conduit la Chancellerie à examiner prioritairement les zones les moins demandées, ces nouvelles modalités de candidature pourraient conduire à la caducité de demandes de professionnels qui n’auraient pas été informés en amont de la modification des modalités de candidature.

De plus, l’arrêté du 23 novembre 202077 a réduit le délai pour compléter une demande de nomination dans un office créé ou un office vacant d’huissier de justice. En cas de demande incomplète, les demandeurs disposeront désormais de dix jours, et non plus de quinze, pour produire les éléments requis.

c- des modalités de transferts d’office entre deux cartes : en l’absence de carte déterminant les zones d’installation libre en cours de validité (la précédente étant arrivée à échéance le 31 décembre 2019), la DACS a indiqué que « le régime d’autorisation préalable redevient la règle en tout point du territoire ». Ainsi, les transferts d’office sur déclaration préalable ne sont plus possibles et doivent nécessairement être autorisés par le garde des Sceaux, quelle que soit la zone concernée. La DACS précise que « les autorisations de transfert et les décisions de rejet sont motivées en référence au dernier arrêté carte ayant été publié ».

9- Tableau récapitulatif des recommandations quantitatives par zone d’installation libre

        

Il ne reste plus qu’à attendre la validation du gouvernement.

Laïaché LAMRANI

Expert-comptable, spécialisé professions réglementées du Droit

Expert-conseil, Master de Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE

Chargé d’enseignement Panthéon Assas II

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Comments

  • 29 avril 2021
    reply

    Cher ami,
    le délire continue.
    Avec le Président Laurent DEKERLE pour le département du Nord, et moi-même pour le Pas-de-Calais, nous avions dressé et adressé à l’ADLC, le 30 MARS 2016, les rapports sollicités par cette dernière sur la création des zones libres d’installation, en recommandant, faisant suite à l’analyse des recommandations de l’ADLC elle-même (!) , de prendre en compte l’économie générale du moment, et celle à découler des textes légaux et réglementaires qui allaient transformer l’exercice professionnel, dans les années qui suivraient. Aux critères fixés par l’ADLC elle-même et au regard des réalités économiques et sociales de nos départements, il nous paraissait évident qu’il ne fallait pas créer d’offices, qu’il n’y en avait d’ailleurs pas de besoin dans nos deux départements ( ressort de la Cour d’Appel de DOUAI), mais toutefois, la loi étant votée, celles-ci pouvaient raisonnablement s’envisager, avec parcimonie, mais en s’attachant avec rigueur et précision, à la notion de bassin démographique, d’emplois et d’activités économiques.
    N’y donnant -évidemment- pas suite, l’ADLC et le gouvernement ont retenu une zone insensée, celle des départements, dont les différences d’activités économiques sont gigantesques ( quel rapport entre la métropole lilloise, l’avesnois, le ternois, la flandre intérieure, etc ?), sans traiter la question des transferts d’études dans une même zone libre d’installation, et ce qui devait arriver arriva. Soit les offices créés ne résistent pas, soit ils sont absorbés immédiatement par les offices des métropoles régionales et de leur immédiate périphérie, soit cette dernière stratégie est élaborée dès la candidature a un office créé ! La désertification est en marche.
    Un désastre pour une profession réglementée qui, pour d’autres raisons légales et réglementaires, est en train de perdre le sens de « communauté professionnelle », pour des motivations dont on ne pouvait déjà pas croire, qu’elles n’étaient pas voulues.
    Quelle tristesse.
    J’évoquais nos rapports à l’ADLC de mars 2016; tout y était écrit et décrit…
    Meilleurs sentiments
    Maître Marc DONNEZ
    Président CDHJ du Pas-de-Calais 2005-2017
    BOULOGNE SUR MER 62

  • 29 avril 2021
    reply

    désolé pour les rares fautes de frappe…
    Marc DONNEZ

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