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Commissaire de justice : nouvelle profession – nouvelles stratégies

Conformément à la loi « Macron » du 6 août 2015, complétée par l’ordonnance du 2 juin 2016, une nouvelle profession du droit a été créé : les commissaires de justice, qui entrent en fonction dès le 1er juillet 2022. Qui sont les commissaires de justice ? C’est le résultat de la fusion de deux métiers : les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Cette révolution silencieuse va faire bouger les lignes dans de nombreux départements quant à la manière d’exercer et aux nouvelles formes de collaboration. Des restructurations ont déjà débuté dans certains départements.

Difficultés à prévoir, concurrence chacun dans son couloir ou mise en compétition globale, stratégie à mettre en place pour être opérationnel dans les meilleurs délais, voici notre analyse.

1- Genèse d’une nouvelle profession 

La fusion entre les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire a pour vocation d’améliorer le service de la justice en regroupant ces deux professions qui octroient le statut d’officier public ministériel aux personnes – nommées par le garde des Sceaux – qui les exercent.

Les fonctions et les compétences de ces deux professions seront donc réunies sous cette nouvelle appellation de commissaire de justice, moyennant une formation accélérée pour tous les huissiers de justice et commissaires-priseurs en exercice.

  • Les huissiers de justice en exercice ont ainsi suivi une formation une formation de 60 heures pour s’aguerrir notamment à la pratique de la vente de meubles aux enchères publiques et aux inventaires prisés correspondants.
  • Quant aux commissaires-priseurs actuels, ils ont dû suivre une formation de 80 heures pour se former à la signification des actes, à la pratique des constats, au recouvrement amiable des créances, aux procédures civiles d’exécution et aux activités accessoires des huissiers de justice. 

Cette formation, obligatoire pour l’ensemble des professionnels, devra être achevée avant le 1er juillet 2026 pour permettre de poursuivre son activité sous ce nouveau statut, les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur disparaissant définitivement à cette date. 

La Chambre Nationale des Commissaires de Justice (CNCJ) qui a vu le jour dès le 1er janvier 2019, a œuvré pour préparer la mise en application de cette réforme majeure avec une transition de plus de trois ans pour gérer notamment la formation des professionnels en activité et uniformiser la formation des futurs stagiaires.


Au-delà des compétences énumérées dans l’article 1er de l’ordonnance précitée (plus d’une vingtaine), il s’avère que cette extension comprend un champ plus vaste qu’escompté : en effet, apparaît dans ledit article le caractère non limitatif de l’énumération des compétences mentionnées.

Ne sont, par exemple, pas énumérées la consultation juridique et la rédaction d’actes sous seing privé, pourtant autorisées aux commissaires de justice aux termes de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Ne sont plus mentionnés non plus les inventaires de succession que le Code civil mentionne explicitement comme relevant de la compétence des commissaires de justice.

2- Des difficultés à prévoir en pratique

Si la création d’une nouvelle profession se décrète, son exercice réel et efficient dès le premier jour ne peut pas se décréter.

Certes, au 1er juillet, les huissiers de justice (ayant validé leurs heures de formation) seront investis de toutes les prérogatives des commissaires-priseurs judiciaires et pourront exercer l’activité de vente aux enchères publiques ou procéder aux inventaires avec prisée correspondants.

De leur côté, les commissaires-priseurs (ayant validé leurs heures de formation) auront toutes les prérogatives des huissiers de justice et pourront signifier des actes, effectuer des constats ou recouvrer des créances à l’amiable.

De la théorie à la pratique, la route risque d’être longue… Pour la plupart en effet (sauf ceux qui auront anticipé), ce nouvel exercice se fera sans véritable expérience dans leurs nouvelles fonctions, sans connaissance tirée de cette pratique, sans solution éprouvée par des années d’exercice, sans expertise développée sur le terrain, sans habitudes acquises au fil des dossiers.

La concurrence sera, au début à tout le moins, quelque peu « déloyale » du fait d’une discordance d’expérience selon les fonctions à exercer. La communication des professionnels expérimentés dans leurs fonctions historiques ne manquera pas pour distinguer les professionnels aguerris à la pratique des missions qui leur sont anciennes et les nouveau-nés, novices en la matière.

3- Stratégie d’exercice pour anticiper/préparer la révolution du 1er juillet 2022 

La parade qu’ont déjà trouvée certains précurseurs est de restructurer leurs offices respectifs au sein d’une Société multi-offices ou d’une société pluriprofessionnelle d’exercice (SPE) ou par le biais d’une société holding (SPFPL).

En effet, intégrer au sein d’une même entreprise une pratique éprouvée de chaque métier depuis des années n’a pas de prix et permet de gagner un temps précieux, que ce soit en acquisition de clientèle, en qualité des missions confiées ou en satisfaction du client.

Au demeurant, ces professionnels aguerris et intégrés au sein même de la société seront les premiers formateurs de terrain des équipes déjà en place.

Nous avons pu participer à la réflexion et à la constitution de quelques dossiers en la matière, avec deux grands schémas : 

  • Détention commune de deux offices (un HJ et un CPJ) via une société multi-offices : cette stratégie permet l’exercice en commun au sein de la même société, ce qui implique notamment de mutualiser l’ensemble des ressources humaines et matérielles puisque si les officiers ministériels ne peuvent exercer que sur leur office, les salariés pourront, pour leur part, travailler de manière indistincte pour l’un ou l’autre des offices.

  • Détention via une société holding de deux sociétés de capitaux détenant chacune au moins un office d’huissier de justice et un office de commissaire-priseur, lesquels deviendront, dès le 1er juillet, deux offices de commissaires de justice mais qui auront chacun l’expérience et les dossiers de leur métier « historique ».

Il en va naturellement de même pour l’ensemble de leurs salariés respectifs, qui devront également suivre les formations adéquates (non obligatoires) pour exercer les nouvelles missions qui pourraient leur être confiées. Dans ces configurations, ces formations pourront se faire en interne avec des professionnels des deux bords.

Il en ira donc de même avec les salariés, qui pourront être recrutés déjà formés et expérimentés en provenance d’études d’ex-commissaires-priseurs pour aller travailler dans des études d’ex-huissiers de justice, tous devenus commissaires de justice. Demain, tout commissaire de justice associé pourra recruter un ex-commissaire-priseur judiciaire en tant que commissaire de justice salarié (et vice-versa).

Il est donc important de comprendre que le nombre de concurrents potentiels pour les deux professions va augmenter, en théorie d’abord, puis rapidement en pratique et ce, de manière soudaine dès le 1er juillet 2022. La cartographie de la concurrence locale va devoir être mise à jour.

4- Une opportunité majeure de communiquer

Le grand public (entreprise – administration – particuliers) connait l’existence des professions d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs de manière très superficielle, ignorant le plus souvent ce que ces professions peuvent leur apporter au quotidien.

Que dire alors des connaissances partagées sur les fonctions et compétences du commissaire de justice. D’évidence, elles sont tout à fait confidentielles, le grand public ignorant encore tout de la création de cette nouvelle profession jusqu’à en méconnaitre le nom. 

Que dire lorsque les appellations changeront, lorsque l’huissier de justice se présentera devant le domicile du particulier avec sa carte de commissaire de justice, et qu’il sera régulièrement confondu avec un commissaire de police sans uniforme et sans brassard. 

La situation actuelle permet de constater quotidiennement qu’une trop grande majorité ignore encore l’essentiel des fonctions de ces officiers ministériels et, surtout, le bénéfice qu’ils pourraient tirer en y recourant dans nombre de situations qui se présentent régulièrement dans leur vie personnelle ou professionnelle : pour préserver leurs droits, protéger leurs intérêts, matérialiser l’existant en s’octroyant des preuves admissibles en justice en prévention d’un litige, récupérer leurs créances, louer leurs biens immobiliers, etc.


Ces professions, qui ne bénéficient pas d’une grande notoriété, ont ici une opportunité historique pour communiquer avec le grand public dans les prochaines semaines.

Tous les supports et médias de notre temps pourront être utilisés pour informer de la création de cette nouvelle profession et surtout pour rappeler au grand public toutes les situations où il est important d’avoir le réflexe « commissaire de justice », en expliquant pour chacune d’entre elles, de manière simple et concrète, les bénéfices que peut apporter cette sollicitation et un rapport coût-intérêt sans commune mesure.

Les intérêts préservés grâce à l’intervention d’un commissaire de justice sont systématiquement supérieurs au coût de sa prestation.

5- Ouverture facilitée vers les autres professions du droit et du chiffre

L’exercice en commun des deux ex-professions octroiera dans quelques années une expérience unique à tous les commissaires de justice dans leur capacité à se restructurer, à se transformer et à se renouveler dans la collaboration, la concertation, l’échange et le travail en commun de deux métiers qui s’ignoraient jusqu’alors.
Cette expérience pourra être mise à profit pour aller plus loin et susciter des vocations dans l’interprofessionnalité, en utilisant notamment les nouvelles possibilités d’exercice en commun des autres professions du droit et du chiffre :

  • Interprofessionnalité capitalistique avec les SPFPL interprofessionnelles : une société holding regroupant les différentes professions du droit et du chiffre pourra détenir des participations au capital de sociétés de commissaires de justice, de notaires, d’avocats ou encore d’experts comptables.

  • Interprofessionnalité d’exercice avec la SPE : une même société d’exercice pourra pratiquer l’exercice de ces différents métiers du droit et du chiffre avec des associés travaillant côte-à-côte, pour les mêmes dossiers, chacun dans son couloir de spécialité.

Un nouvel horizon s’ouvre et de belles perspectives pourraient s’offrir à celles et ceux qui sauront le mieux saisir cette opportunité. Les commissaires de justice entrent en scène le 1er juillet 2022.

Laïaché LAMRANI

Expert-comptable, spécialisé professions réglementées du Droit

Expert-conseil, Master de Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE

Chargé d’enseignement Panthéon Assas II

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