Commissaire de justice : les leçons de la crise ou comment en sortir par le haut (2/2)
Le contexte actuel, combinant des crises en série et la naissance de la profession de commissaire de justice, oblige plus fortement encore à définir une stratégie pour remédier à un troisième fait indéniable, existant depuis des années et indépendant de ces deux premiers : le marché méconnaît le plus souvent toutes les compétences de cette profession et ses multiples champs d’intervention.
Alors que le modèle même des offices de commissaires de justice est profondément remis en cause depuis plusieurs années d’une part du fait des nombreux bouleversements apportés par la loi Macron et d’autre part par le surgissement de la crise sanitaire qui a violemment percuté le secteur d’activité, nous avons assisté à la création d’une profession au moment même où elle était le plus fragile. Et dans l’anonymat, avec le grand public qui continue d’ignorer une grande partie des missions des commissaires de justice.
En effet, les particuliers mais aussi et surtout les dirigeants d’entreprise, dans leur grande majorité, n’ont pas conscience des missions du commissaire de justice et surtout de l’intérêt d’y recourir pour leur entreprise : c’est ainsi un océan de chiffres d’affaires inexploités pour les uns et pour les autres.
La combinaison de ces facteurs risque fort d’accentuer la crise et de faire durer ses répercussions pour tous ceux qui resteront inactifs.
Ces facteurs multiples génèrent de multiples opportunités mais il sera difficile pour les études d’en profiter si elles ne les ont pas identifiées.
Pour éviter cela, il est essentiel de consacrer du temps à diagnostiquer son environnement pour pouvoir définir une stratégie adéquate à sa situation, identifier les opportunités et planifier les actions pour en tirer profit. Le réservoir important de missions non satisfaites est immense, c’est un océan bleu à conquérir.
Pour analyser votre environnement, vous trouverez une synthèse des méthodes dans notre vidéo sur le lien suivant :
Pourtant, face à cette situation, peu d’études semblent avoir clairement défini (ou réactualisé) une stratégie.
Pourquoi ?
1- L’activité du quotidien, ennemi de la stratégie
Les dirigeants d’entreprise sont souvent pris par leur activité, la subissant souvent, le nez dans le guidon, voyant l’activité qui défile, les dossiers qui se succèdent, le traitement des courriels ; bref, le dirigeant est débordé par son quotidien et c’est la stratégie qui se voit reléguée aux calendes grecques.
Et les rares fois où la stratégie est à l’ordre du jour, la réflexion est interrompue par l’activité qui assaille, empêchant ainsi de bâtir sur le long terme. Le traitement des dossiers au quotidien, qui passe avant tout, devient l’ennemi de la stratégie.
A trop avoir été pris par son activité, conforté parfois par des marges importantes, la stratégie est souvent abandonnée.
C’est le classique URGENT (le client qui n’attend pas) qui passe devant l’IMPORTANT (l’avenir de l’entreprise à définir).
Il est donc fondamental de s’accorder des créneaux mensuels pour bâtir une stratégie, puis suivre le plan défini étape par étape. Sans cela, les dirigeants continueront à subir une situation non maîtrisée.
Comme nous l’avons expliqué dans notre précédent article (à retrouver ici
https://lamraniexpert.com/2022/11/09/commissaires-de-justice-les-lecons-de-la-crise-ou-comment-en-sortir-par-le-haut/) la prise de décision sera salvatrice.
Une question arrive : que faire ? quelle décision prendre ?
Il existe une foultitude de stratégie possible, qui peuvent ressortir une fois que l’on a bien analyser son environnement.
Nous abordons ici quelques-unes des stratégies qui se sont avérées bénéfiques pour les dirigeants et leur entreprise, avec des résultats qui ont parfois dépassé les projections de départ.
2- Stratégie axée sur la communication
La conquête de nouveaux marchés (en l’occurrence de nouveaux clients), ou la vente de nouvelles prestations à des clients de l’entreprise, nécessite de se faire connaître ou de faire connaître sa palette d’intervention, en prenant en compte la nature exacte des besoins des clients ou des prospects.
Il convient d’avoir bien à l’esprit que si les commissaires de justice ne répondent pas à ces besoins, les chefs d’entreprises iront voir ailleurs, en s’orientant vers d’autres prestataires, même si ceux-ci sont moins légitimes que les commissaires de justice.
Peu importe donc le moyen (tant qu’il reste dans le cadre déontologique), il s’agit de faire connaître son savoir-faire et d’expliquer l’intérêt de chacune des missions que le commissaire de justice pourra proposer, en diffusant l’information aux clients et prospects potentiels par tous les moyens possibles (site internet, réseaux sociaux, vidéos, articles, brochures, etc…).
Et il y a un début à tout. La marche du changement est tellement rapide qu’elle fait de nous tous des amateurs du nouveau monde. Nous sommes tous des néophytes : ayons conscience de cela et avançons sans craindre la médiocrité de la communication, qui est inévitable au début. Sur l’échelle de l’excellence, la médiocrité a le mérite d’exister. Le véritable fossé se situe entre l’action et l’inaction.
Et naturellement, le minimum en 2022, c’est d’avoir un site internet avec un contenu le plus complet possible, tant sur la nature des prestations de l’entreprise que sur l’intérêt d’y faire appel. La véritable vitrine de votre office est sur internet.
A l’heure actuelle, si votre expertise n’existe pas sur la toile, elle n’existe pas. Nous sommes tous capables de dire et d’exprimer notre compétence, de nous faire entendre, mais peu d’entre nous le font.
Sinon, comment aller informer (chercher) ceux qui ne font appel que trop rarement aux commissaires de justice alors qu’ils en auraient grandement besoin : les chefs d’entreprise, qui ne connaissent pas le métier de commissaire de justice et l’apport que cette profession peut leur apporter :
– Juriste de la preuve, pour prévenir les litiges, sauvegarder des preuves, figer l’existant etc…
– Juriste de terrain – juriste conseil pour éviter certaines situations tendues, trouver des solutions dans des dossiers très complexes
– Rôle sécurisant pour le dirigeant, notamment pour la trésorerie des entreprises
– Etc…
Même pour l’expertise connue et reconnue des commissaires de justice, i.e. le recouvrement, ils ne captent qu’une infime partie du marché.
L’art nécessite du temps, et le savoir-faire ne s’acquiert que par l’endurance et l’expérience que cette dernière apportera.
Nous développons ce point sur l’épisode vidéo suivant :
Faites tout pour exceller et c’est le public qui vous trouvera. Voilà ce que l’on pourrait croire. Mais exceller ne suffit pas, il faut être visible. En visant l’excellence, en étant si bon que l’on ne peut plus vous ignorer, les professionnels qui ont du succès commencent d’abord par montrer ce qu’ils font.
3- Stratégie de renforcement et d’adaptation aux mutations
L’extension de la compétence territoriale qui a multiplié par trois, voire par quatre, le territoire à couvrir, impose de revoir sa manière de travailler et de réfléchir aux meilleures possibilités pour faire face à ce territoire agrandi. Cela permettra de répondre à la demande de la clientèle qui peut provenir loin du territoire de prédilection.
Chaque office n’a pas forcément la capacité de faire parfois plusieurs centaines de kilomètres pour effectuer un acte qui ne sera pas forcément rentable au vu de la distance.
S’il y a un potentiel de CA important à concrétiser, mais éloigné géographiquement de son office, le rapprochement de deux ou plusieurs offices (qui se situeraient d’un côté et de l’autre du territoire) au sein d’une même société multi-offices ou au sein d’un même groupe via une société holding, pourrait être une possibilité de renforcement et d’adaptation à l’évolution du contexte de travail.
En s’alliant pour devenir plus forts, les offices développeront naturellement leur stratégie en mettant en place un plan pour mailler le territoire ou pour atteindre une taille critique. Cela permettra de répondre aux attentes de clients institutionnels ou plus importants, voire de développer une ou plusieurs expertises spécialisées.
Le rapprochement stratégique, qui peut revêtir plusieurs formes, permet d’augmenter son expertise, son maillage territorial, sa complémentarité tout en diluant le risque sur plusieurs offices, sans être dépendant d’un ou deux gros clients.
La croissance externe consiste à acquérir d’autres études (à se regrouper) pour développer son CA sur plusieurs territoires et sur plusieurs types de clientèle, faire des économies d’échelles (en centralisant les fonctions support comme le secrétariat, la comptabilité mais également la production via des pôles de spécialité / la téléphonie / l’informatique). Elle permet d’accroître le développement et d’atteindre une taille critique plus rapidement et prétendre ainsi à acquérir des clients plus importants.
C’est l’un des moyens les plus rapides pour avoir un apport immédiat de CA. Et plusieurs faits sont patents :
• Des opportunités existent : et elles augmentent proportionnellement au nombre de pessimistes au sein de la profession, qui veulent vendre et partir en retraite, voire changer de voie.
• Après deux années de crise forte, les valorisations des offices subissent souvent une décote, plus ou moins importante
• Une génération s’en va, de vrais capitaines « d’industrie » quittent la profession et ont besoin d’être remplacés par une nouvelle génération, qui aura sa manière de voir le métier et de le pratiquer, en adéquation avec le contexte qui évolue à vitesse grand V.
Et naturellement, l’une des premières voies à investir pour amorcer ce type de stratégie est la réflexion sur sa forme d’exercice. Les études individuelles (dans le sens juridique, sans société) ou les sociétés civiles professionnelles (SCP) seront rapidement bloquantes. La forme d’exercice la plus adaptée pour l’exercice d’une profession libérale reste très souvent la société de capitaux, peu importe sa forme, que ce soit les sociétés de droit commun (SARL ou SAS) ou les sociétés d’exercice libérale (SEL). Une série vidéo entière a été consacré sur le sujet que vous pouvez retrouver ici à partir de l’épisode 9.
(https://www.youtube.com/watch?v=11gvALB3-q4&list=PL5ikxKkGcIImgVWXyfRV33aYjAL97kY5X
4- Stratégie de diversification et de conquête de nouveaux marchés
Il s’agit d’aller chercher des missions annexes : je pense notamment à la plus fréquente chez les commissaires de justice : l’administration d’immeubles. Il y a de très belles réussites en la matière et ces activités-là n’ont pas été frappées par cette crise « Covid » comme l’a été l’activité principale. Elles se sont maintenues pour la plupart et ont même été développées sur certains territoires.
Stratégie de (re)positionnement, ou de spécialisation, Selon la fameuse matrice SWOT, les forces et faiblesses, menaces et opportunités de l’office, peuvent permettre de définir une stratégie pertinente pour l’entreprise, selon son environnement. Les cinq forces de PORTER peuvent également être investiguées.
5- L’interprofessionnalité
L’interprofessionnalité est également une stratégie qui est de plus en plus mise en place avec des regroupements avec les avocats, les experts comptables et autres professions du droit, en fonction des complémentarités qui seraient jugées utiles à des clients communs. Que ce soit via la société pluri-professionnelle d’exercice ou via une Société holding pluri-professionnelle, les possibilités n’ont jamais été aussi nombreuses.
Trois ingrédients à réunir pour se lancer :
- des partenaires et associés complémentaires avec une vision commune,
- une offre de services pluridisciplinaires
- et une clientèle cible spécifique potentiellement intéressée.
Travailler davantage sur la pluri-professionnalité est l’une des stratégies d’avenir (vous retrouverez ici notre article, toujours d’actualité :
https://lamraniexpert.com/2019/06/18/la-pluriprofessionnalite-analyse-du-mode-dexercice-de-demain/).
Laïaché LAMRANI
Expert-comptable, spécialisé professions réglementées du Droit
Expert-conseil, Master de Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE
Chargé d’enseignement Panthéon Assas II
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