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Crise covid 2 ans après : Bilan et perspectives – secteur des huissiers de justice 

Après cette longue traversée de la crise, qui continue de durer pour encore nombre d’études, nous dressons ce bilan, deux années après la levée du premier confinement. Celui ci permettra également de mettre en avant quelques pistes pour en sortir par le haut (pistes qui feront l’objet d’un second article prochainement). 

Cabinet d’expertise comptable spécialisé dans les professions réglementées du Droit, avec une forte dominante commissaires de justice, quelques notaires et avocats, nous avons été aux premières loges pour accompagner nos clients durant cette crise sanitaire, puis économique. 

Cette situation exceptionnelle, éprouvante à divers égards pour l’ensemble des acteurs économiques, nous a permis de mettre en œuvre de manière optimale notre raison d’être : être utile à nos clients en toutes circonstances.  

Que ce soit :

  • pour les clients dont nous révisons les comptes, établissons les fiches de paie et constituons les comptes annuels,  
  • ou pour les clients que nous accompagnons dans leurs projets de création, de développement, ou de restructuration, 

Nous avons pu mesurer les impacts de cette crise sur l’activité, le personnel et les projets de développement ou de restructuration, avec des tendances fortes que nous allons restituer. 

Nous avons pu le mesurer d’une part avec les déclarations mensuelles de TVA, qui fournissent une approximation du choc d’activité au niveau de chaque office et d’autre part avec la mise en place plus ou moins massive au sein des entreprises du dispositif de chômage partiel.

Dans un second temps l’impact s’est matérialisé sur la trésorerie des offices avec parfois des mesures d’urgence à adopter.

Aujourd’hui, l’heure est au bilan. Quels ont été les impacts pour les entreprises ? Comment les entreprises ont-elles réagi pendant cette période de très forte incertitude ?

Voici notre analyse sur cette période extraordinaire.

A- Contexte économique bouleversé

Dès le mois de mars, les conséquences ont été soudaines et brutales pour l’ensemble des acteurs économiques. L’impact pour le secteur des commissaires de justice a été très fortement ressenti par la plupart des professionnels, variable selon la typologie de la clientèle. 

Constat brutal dès l’exercice 2020, notamment du fait des confinements successifs :  

1- Un arrêt brutal et soudain de 10 à 90 % de l’activité des offices

La baisse de l’activité pour les commissaires de justice a été variable selon les offices, la typologie de la clientèle et la manière d’interagir avec les clients et les salariés. Variable et fortement ressentie sur l’ensemble des offices, avec une réduction de l’activité (de 10 à 90 % du CA facturé) du fait de la succession d’événements qu’a entraînée l’irruption soudaine de la crise : confinement généralisé, tribunaux fermés, avocats absents, clients institutionnels stoppant l’envoi des dossiers, télétravail de tout ou partie des équipes opérationnelles etc… 

Cette situation a généré des baisses de chiffre d’affaires très importantes. L’impact a été variable selon les études mais toutes ont été impactées, y compris celles qui ont réussi à maintenir leur chiffre d’affaires, en étant fortement ralenties dans leur développement. 

2- Choc d’activité qui est survenu dans un secteur déjà en difficulté 

La traversée de la crise a été plus éprouvante que pour les autres secteurs car elle fait suite à plusieurs crises antérieures. Les effets de ces crises préexistantes étaient encore présents au moment de la survenance de la crise covid :   

  • Baisse des tarifs des activités relevant du monopole de ce secteur, tarifs à perte sur certains actes. 
  • Les taux de marge sont inférieurs à la moyenne nationale des entreprises françaises pour les activités réglementées. Avant la baisse des tarifs, l’équilibre pouvait se faire avec les secteurs à marge qui compensaient les prestations réalisées à perte.
  • Concurrence accrue du fait de l’élargissement de la compétence territoriale, de l’installation des offices créées et parfois de leurs rapprochements avec de grosses études, via des structures multi-offices ou des sociétés holdings. 
  • Modification en profondeur de la stratégie de clients institutionnels dans l’affectation de leurs missions (RSI, URSSAF, banques, Société de recouvrement) : ce ne sont plus les mêmes façons de travailler, et ces évolutions parfois soudaines ont accentué les difficultés rencontrées. 
  • Autre sujet récurrent : les créances clients et les créances acquises : il s’agit d’une situation totalement incongrue : les spécialistes du recouvrement peinent à encaisser leurs propres créances, souvent des créances… publiques, sur l’Etat qui a fixé le délai de paiement maximal à… 60 jours pour les entreprises. 

Pourquoi les créances acquises sont si importantes notamment celles sur l’Etat ? Ces délais de paiement, qui sont si longs, n’existent pas dans le reste de l’économie. Ainsi, il n’est pas rare de constater qu’un travail effectué aujourd’hui soit payé 2 ans plus tard… s’il est payé.

B- Gestion de crise au sein des offices : protéger le personnel et la trésorerie 

La nécessité de protéger les offices des conséquences du confinement est apparue très rapidement au début de la crise Covid, en mars 2020. Cela étant, la conception et le calibrage d’un tel soutien n’avaient rien d’évident. Un accompagnement sur mesure a été mis en place pour assister nos clients à faire face aux difficultés soudaines d’une ampleur inédite, en appliquant au mieux les mesures gouvernementales complexes et constamment changeantes.  

Face à la baisse de leurs flux d’activité, certaines études ont été obligées de restructurer leur personnel et leurs finances.  

Face à la chute drastique de l’activité pour certains offices et malgré le chômage partiel, la réduction des effectifs s’est imposée de fait, avec une volonté forte (mais pas toujours possible) de préserver le noyau dur.  

1- Gestion du personnel en période de sous-activité

Des décisions en urgence ont été prises pour préserver la ressource première des études, à savoir le personnel souvent très qualifié.  

Nous savons que les compétences sont rares et qu’il existe une pénurie de main d’œuvre dans ce secteur d’activité. De plus, l’investissement “formation” de l’équipe en place a souvent été significatif.  

Pas question donc de perdre son personnel, surtout quand celui-ci a démontré sa valeur et son apport. La plupart des offices ont bien noté qu’en sortie de crise, il faudra bien des gens compétents pour reprendre le travail. 

Sur le plan économique, il est vrai que le chômage partiel a permis aux offices de protéger les salariés, mais cela est resté insuffisant dans de nombreux cas. 

Quand cela n’a pas suffi, les directions se sont plutôt mobilisées pour sauver leurs études à l’aide de plusieurs moyens. 

Puisque qu’ils ne pouvaient percevoir aucune aide financière (hors chômage partiel), un grand nombre d’huissiers ont d’abord réduit de manière importante leurs propres rémunérations (prélèvements).  

2- Gestion de la trésorerie en période de crise

En période de crise, la trésorerie est le nerf de la guerre : un grand nombre d’études a fait appel au PGE avec instruction de ne pas y toucher pour effectuer des investissements, ou encore pour rembourser des comptes courants de dirigeants. 

L’arbitrage a souvent été très complexe entre la préservation des intérêts de l’entreprise et de sa trésorerie et les besoins financiers personnels des associés, parfois immédiats, des associés devant maintenir une rémunération notamment pour rembourser un ou plusieurs emprunts professionnels. 

Préserver sa rémunération de demain au détriment de celle d’aujourd’hui 

Le plus souvent, il a été décidé de sauvegarder l’outil de travail qui fournirait la rémunération des années à venir plutôt que de s’octroyer la rémunération habituelle, même parfois modeste et mettre en péril la continuité de l’activité. 

3- Impact sur les rémunérations des dirigeants

Dans nombre d’études, le titulaire/les associés ont dû arrêter de se verser une rémunération pendant plusieurs mois. Leur endettement personnel parfois important a été difficile à gérer et l’est toujours pour certains. 

La difficulté a été accrue pour les titulaires en cours de remboursement d’un endettement professionnel important, souscrit antérieurement à la crise pour l’acquisition de leurs parts ou de leur office, office qui perdait de la valeur et voyait sa valeur diminuer mois après mois, au fur et à mesure de la baisse d’activité. 

D’autres titulaires ont dû puiser le cas échéant dans leurs réserves personnelles, et ont même parfois dû céder des biens pour faire face aux besoins personnels et professionnels, pour renflouer la trésorerie de leur étude. 

Ces situations parfois extrêmes ont laissé un fort sentiment d’abandon de la part de l’État et parfois de ses instances, malgré les dispositifs mis en place. 

C- Évolution de la situation au moment de la reprise d’activité

Suite à ces chocs en série survenus durant l’année 2020, la reprise de l’activité s’est faite de manière partielle, avec des modifications importantes et des clients parfois historiques, qui ont modifié certains paramètres dans leur gestion. Dans le même temps, d’autres menaces survenaient : 

Constat sur l’évolution du terrain ces douze derniers mois (2021-2022) 

  • Frivolité plus importante des clients habituels des commissaires de justice, plus volage après des années de fidélité
  • Frilosité également avec des clients qui appréhendent beaucoup plus qu’avant de démarrer un nouveau projet  
  • Porosité de la clientèle, attachement de plus en plus faible chez les clients qui rompent plus facilement des partenariats parfois de longue date. « Ça ne va pas, on change » 
  • Mutation de la clientèle et de la manière dont elle gère ses besoins. Notamment les banques ne sont plus les interlocuteurs qu’elles étaient pour les commissaires de justice, ou les sociétés de recouvrement qui ne sont plus les mêmes concurrents qu’auparavant
  • Des clients ne sont pas revenus avec les mêmes paramètres (par ex les banques)  
  • D’autres menaces arrivent (France recouvrement – nouvelle baisse des tarifs – nouvelles vagues d’installation) 

Face à ces évolutions parfois brutales, nombre de professionnels ont dû se « réinventer » et trouver de nouvelles sources d’activité et de développement. La plupart des entreprises ont innové sur leur manière de communiquer pendant la crise du coronavirus, tous secteurs confondus.

Les commissaires de justice n’ont pas fait exception, avec une frustration qui remonte très régulièrement. Nombre d’entre eux auraient souhaité (et souhaitent toujours), à l’instar d’autres professions, communiquer plus facilement, notamment sur leurs sites internet et sur les réseaux sociaux. Le sentiment partagé est qu’une trop grande frilosité existe et pèse encore, bridant bon nombre d’études dans leur communication. 

D- Impact de la crise sur les projets de restructuration des commissaires de justice

Au-delà du suivi quotidien que nous assurons pour les clients dont nous tenons les comptes annuels, une partie significative de nos missions est consacrée à l’accompagnement des projets de restructuration des commissaires de justice, mais également d’avocats et de notaires. 

Il existe, notamment depuis la Loi Macron de 2015, un véritable mouvement de fonds au sein des études pour divers projets de développement, rapprochements et autres restructurations. 

Au niveau de notre cabinet, de nombreux projets étaient en cours au moment de la survenue de cette crise sanitaire. Son impact s’est immédiatement fait ressentir en mettant en pause un grand nombre de projets, notamment durant les deux premiers mois (correspondant au 1er confinement). 

Mais, agréable surprise, la grande majorité des études qui avaient des projets en cours ont poursuivi et les ont menés à bien, comprenant bien que la crise en cours était une motivation supplémentaire pour se renforcer en s’alliant ou en se dotant d’une structure sociétale plus évolutive. 

La force de la crise a révélé les grandes fragilités qui pouvaient exister au niveau des offices et des cabinets et le besoin de se renforcer en s’alliant a pu se faire ressentir de manière plus forte. Elle a été un révélateur de tout ce qui n’allait pas. 

Pour les projets en cours, trop d’ardeur avait été mise dans leur édification pour abandonner à la première tempête, si virulente soit-elle. 

Moins de 10 % des projets ayant été débutés ont été stoppés de manière définitive du fait de la crise. Un ralentissement certain a été constaté durant quelques semaines mais le mouvement a repris.  

Pour l’ensemble des dossiers qui ont été poursuivis du fait de la volonté de leurs auteurs, une adaptation des projets a été faite, selon les ajustements provoqués par la crise. Ils ont été menés à leur terme et ont pu aboutir pour la plupart (le reste étant en cours d’instruction). 

Concernant la suite de la crise, d’autres dossiers sont arrivés, que ce soit :  

  • des passages en société de capitaux,  
  • des cessions de parts suite à des départs en retraite,  
  • des rapprochements d’études au sein de sociétés multi-offices, 
  • la constitution de holdings permettant de structurer un groupe d’un point de vue humain et financier,  

Nombre de projets nous sont parvenus dans les mois qui ont suivi. Le mouvement de fonds est toujours là, le secteur d’activité continue son évolution de plus belle. 

L’analyse de l’extinction progressive des aides publiques reste à faire, avec des prêts garantis par l’État qu’il convient de rembourser, sans pour autant avoir constaté une reprise pleine et entière de l’activité et avoir eu le temps de reconstituer la trésorerie de l’Entreprise.

Laïaché LAMRANI

Expert-comptable, spécialisé professions réglementées du Droit

Expert-conseil, Master de Droit et Fiscalité de l’Entreprise – DJCE

Chargé d’enseignement Panthéon Assas II

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